A point nommé !
Que nome t'on ?
Qu'est-ce que nommer ?
Montrer du doigt, signifier, présenter un travail, une réflexion sur l'homme et ses attachements à lui-même.
Circonvolution toutes légitimes et parfois douteuses puisque rien n'est acquis de droit, les choses s'inscrivent dans des propositions d'apparence.

Nous sommes tous de quelque part venant de lieux façonnés, - réceptacles, abris occupés ou désertés - qui nous imprègnent de leurs harmonies ou de leurs failles, nous orientent ou nous perdent. Mémoire inscrite, contraintes installées, ruptures, failles ou  faillites.

Depuis l’enfance, la vision de nombreux vestiges domestiques laissées et détruis par centaines dans mon environnent urbain, m’a fait effet d’un miroir sur ma vie.

Dans un premier temps mon travail a été un travail de constat, rendant compte de la « Mémoire des lieux ». J'extirpais alors des résidus de papier peint aux maisons délabrées et abandonnées du nord de la France, puis je récréais à partir d'eux les propriétés d'un mur qui transporte une mémoire collective, désuète et refoulée. Je renforçais et révélait ainsi les traces de vies (salissures, décrépitudes...) pour souligner l’échec de la mémoire et interroger la fragilité des valeurs esthétiques, sociales et historiques.
Dans un deuxième temps, que j'ai intitulé « Fragments d’une légende », les papiers peints, ces témoins historiques et sociaux de l'intimité de l'être, étaient les indices d'un passage et les derniers résidus de l'abandon, qui progressivement se sont inscrits dans un questionnement sur l’identité. Celle qui nous engage, dès la naissance, à définir les preuves de notre cohérence au monde.

Enfin, le papier peint étalonne le temps et instaure une mise en abîme de la mémoire pour mieux s’interroger sur "le jeu du corps" et de ce qui construit "le corps du je". Il s'agit alors d'interroger le corps social par le biais du papier peint comme un élément, un indice référant à l’intimité de l’être.

Ce travail devient ainsi une chaîne de transmission sans fin où le réel de mes toiles n’est plus qu’un accident déjà conjuré par la mise en scène de son souvenir.


De plus, ma démarche ne peut être comprise que lorsque l’on sait que je me suis intéressée à l’évolution du tableau. J’utilise un élément tel que le papier peint qui cite le mur et redéfinit la place du tableau et ses limites. Mon désir est d’abolir la fenêtre miroir, de dépasser la notion d’objet pour l’impliquer dans un rapport à l’espace, afin que celui-ci devienne un espace réel et non fictif. La muralité, - composant réel de l’espace architecturale instaurant un rapport direct avec le spectateur -, acquière de fait une présence d’ordre sculpturale, donc physique.


Installer un état d’urgence, exploiter la muralité, les traces laissées sur les murs afin de révéler les signes de l’envahissement du temps sur les êtres, dans ce qui fut leur environnement affectif  « l’habitus ».
De soulever la question  de leur atavisme culturel,  d’interroger ce qui a pu étayer leur identité, sonder l’inconnu qui semble déjà avoir eu lieu ;  installer un dérapage de l’histoire afin d’interroger, de soupçonner l’instant dépossédé du présent, dans une représentation illusionniste et simulée de ce qui pourrait être une réalité.
Comme une forme d’introspection psychologique du dedans, des souches ou des couches vivantes que détient ce témoin qu’est le papier peint.
Traiter de l’immanence de notre décrépitude par une représentation transportant en elle même sa genèse.
De recréer la stratification naturelle des lambeaux de papier peint, afin d’exhumer un passé toujours en quête de son avenir, sous la forme de plâtras, de pans d’architecture, qui quittent un passé indifférent pour devenir des fragments proposés aux regards du présent.
Martine Hoyas